Derrière les paysages du réservoir du Poisson Blanc

Presented by Le picbois
5 min
Text by:
  • Florence Harvey
  • Karl Gauthier
Photos by:
  • Freddy Arciniegas
Presented by Le picbois

Avec ses montagnes, ses falaises, ses îles et son immense plan d’eau, les paysages du Parc régional du Poisson Blanc, situé à Notre-Dame-du-Laus (NDL), font le plaisir de bon nombre d’aventuriers. Depuis la création du Parc en 2008, la Corporation du Parc du Poisson Blanc assure leur protection et leur mise en valeur à des fins écotouristique. Elle incite ceux et celles qui s’y trouvent à pratiquer des activités récréatives de manière respectueuse de l’environnement.

Derrière ces paysages enchanteurs se trouve une histoire riche en récits. Afin de vous faire découvrir comment il se sont façonnés, voici une brève histoire à rebours qui décortique couche par couche les pratiques et les personnages qui ont participé au développement de la région.

@Pierre Babin
Photo des Archives provinciale de l'Ontario, Collection Charles McNamara
Drave dans les Hautes-Laurentides - @Émilien Vincent
@Philippe Hamel-Huard

La drave: à l’origine de la création du réservoir

Jusqu’à tout récemment, la pratique de la drave a participé à former les paysages que nous pouvons maintenant observer à travers le réservoir. En effet, ce dernier qui caractérise le parc doit sa création à cette technique qui consiste dans le transport du bois par flottage sur les cours d’eau. Pour faciliter le déplacement des billots sur la rivière du Lièvre, principal affluent du réservoir, la compagnie forestière McLaren a fait construire le barrage Rapides-des-Cèdres en 1930, tout près du noyau villageois de Notre-Dame-du-Laus. Ceci a donc submergé une partie du territoire et l’a changé à jamais. Dans la région, la drave a atteint son sommet de popularité au milieu du XXe siècle, mais a pris fin en 1993, soit seulement 3 ans avant l’interdiction complète à travers la province.

Ce métier demandait une agilité et un courage hors du commun et a fait connaître au fil des années certains draveurs provenant de Notre-Dame-du-Laus. Le documentaire « La drave » réalisé par l’ONF (Office national du film du Canada) et narré par Félix Leclerc nous a fait découvrir Euclide Thauvette, maître draveur et Sylvio Morin, draveur, tous deux fiers représentants de la région. Au printemps, quand le réservoir est à sec, on peut encore voir des vestiges de cette époque, comme certains troncs d’arbres tenaces ou des billots qui auraient calés pendant le transport.

L’agroforesterie: moteur du développement de la région

Reculons encore un peu dans le temps, soit au début des années 1800, pour comprendre que la pratique de la drave découle de l’importante industrie forestière de la région. Suite au blocus de Napoléon en Europe qui empêchait l’apport en bois à la Grande-Bretagne de 1806 à 1808, les Anglais ont commencé à venir s’approvisionner sur les territoires au sud du parc. La forêt de ces territoires présentait un intérêt fort attrayant dû à son abondance de pins blancs de grands gabarits. Aujourd’hui, ces pins blancs habillent les nombreux sites de campings sur le réservoir, bien qu’ils ne présentent plus le calibre d’antan.

Au rythme que l’exploitation s’intensifie et que la ressource se raréfie, les bûcherons doivent s’aventurer vers le nord, soit vers des terres aujourd’hui protégées par le parc. Des fermes forestières ont alors été implantées sur le territoire afin de faciliter l’exploitation dans l’ensemble de la région. À Notre-Dame-du-Laus, les vestiges des fermes forestières d’Oxbow et des Pins sont toujours visibles, entre autres, sur certaines rives des îles du réservoir.

La traite des fourrures: s’ancrer pour commercer

Dans la région de l’Outaouais, la pratique de la traite des fourrures apparaît au début du XIXe siècle. Elle se faisait en collaboration avec les peuples Algonquins-Anishinabeg, des peuples originellement nomades. Ces derniers utilisaient la rivière du Lièvre (Wabos Sipi) pour se déplacer, puisque cela leur permettait d’éviter la menace iroquoise. Stratégiquement positionné, le Réservoir des Sables, au nord du Réservoir du Poisson Blanc, tout près de Notre-Dame-du-Laus, fût le lieu d’implantation d’un des postes de traite fort important de Compagnie de la Baie d’Hudson en 1826.

Après 25 ans d’opération, le poste de traite a fermé ses portes. Le bâtiment qui l’accueillait a ensuite été vendu à la famille Moncion, bien connue dans le village de Notre-Dame-du-Laus. La construction du barrage Rapides-des-Cèdres poussera la famille à se relocaliser, leur résidence étant alors située sur les berges qui seront submergées par la création du réservoir. Il est toutefois encore possible d’apercevoir, pendant un court moment au printemps lorsque le réservoir est vide, ses fondations sur les rives nord du parc.

 

Ce genre de vestiges peut ainsi nous mener à se questionner sur le nombre d’histoires encore cachées derrière les paysages que nous affectionnons aujourd’hui, et surtout ce qu’il reste à redécouvrir.