Une île pour trois générations

7 min
Text by:
  • Anouck Serra-Godard
Photos by:
  • Caleb Gingras

Selon le Petit Robert, une île se définit comme une « étendue de terre ferme émergée d’une manière durable dans les eaux ». C’est un endroit tout indiqué pour nourrir le lien de pérennité qui unit les membres d’une famille, cet attachement pour la vie à ces êtres qu’on chérit, pour le meilleur et pour le pire, capables de faire rayonner le plus beau en nous ou de mettre en lumière nos plus grandes zones d’ombre. La famille c’est le noyau vrai d’une vie, le petit îlot de confiance qui nous garde à flot à travers notre passage sur cette terre.

Quoi de mieux que de prendre quelques jours pour s’isoler avec cette communauté question d’arrêter le temps, de reconnecter et de profiter en toute simplicité?

C’est dans cet état d’esprit que mon père, mon neveu de 5 ans, mon copain, nos deux enfants de 3 ans ½ et 1 an ½ et moi sommes embarqués dans un catacanot au Parc régional du Poisson Blanc par une chaude journée de juillet.

Soyons complètement honnêtes: la parentalité, ça change énormément une vie. C’est un gigantesque défi. Personne ne traverse cette épopée les deux doigts dans le nez. On y gagne des cheveux blancs et des rides aux visages, on y perd des heures de sommeil, des moments pour cultiver l’amour dans le couple et du temps pour s’honorer soi-même. Ça requiert énormément de patience, d’énergie et de bienveillance. Ça nous maintient dans une dualité constante entre le sentiment d’être drainé et rempli à la fois. Mais quand on accepte de s’abandonner pleinement à cette aventure, on comprend à quel point ces petits humains qu’on a le privilège de guider sont des accélérateurs d’apprentissage vers de plus belles versions de nous-mêmes et on réalise toute la chance qu’on a.

Notre humble expérience de double parent nous a inculqué certaines règles d’or qui nous permettent de traverser cette période haute en défis quotidiens dans le bonheur. La plus importante c’est de vivre dans le présent. On ne remet pas à plus tard ce qui nous interpelle aujourd’hui parce que la vie c’est maintenant et que demain est absolument incertain. On apprend à adapter le rythme et l’intensité pour y inclure nos tout-petits.

L’objectif c’est le plaisir. On repassera pour la performance!

L’aisance de la connexion avec la nature, c’est le plus beau cadeau qu’on peut s’offrir à soi-même, mais aussi le plus grand lègue qu’on peut faire à un enfant.

Anouck

Observer, toucher, sentir la vie. Jouer librement dans l’espace sans distraction autre que sa propre imagination. Se créer des mondes, des missions. Au Parc régional du Poisson Blanc on a l’obligation d’être au détriment de faire. C’est un état contemplatif auquel on est très rarement habitué dans nos vies modernes au débit ultra rapide.

Nos journées y sont dictées par le rythme du soleil. Absolument tout y est grandiose, alors que tout y est si simple. C’est l’occasion d’une connexion sans retenue avec les éléments. Impossible d’y échapper alors qu’ils s’infiltrent par l’entremise de tous nos sens. On en a plein les yeux du paysage boréal, plein les oreilles des chants d’oiseaux et des clapotis doux de l’eau, l’odeur du sapinage embaume l’air, le sable et la rosée du matin se glissent entre nos orteils. C’est sournois et intense à la fois. Afin de laisser la nature fleurir à son plein potentiel d’émerveillement, il faut embrasser les temps morts, l’existence qui flotte.

Le mot d’ordre c’est : lâcher prise. Admirer, respirer et sentir à répétition comme un mantra.

On range toute technologie loin dans les bagages et on laisse les enfants explorer l’espace en s’inventant des jeux avec des trésors trouvés sur leur chemin. Des plumes douces, des branches aux formes spéciales, des fleurs colorées, des pierres qui brillent, des insectes variés, des couleuvres impressionnantes, des écureuils furtifs – il y a amplement de stimulations pour leurs cerveaux à portée de leurs petites mains. C’est tellement gratifiant d’observer un enfant s’épanouir intuitivement, d’être témoin du monde qu’il crée à partir de petits objets qu’il aligne d’une manière qui a du sens pour lui et de la narration qui accompagne chaque action. 

J’ai eu la chance d’être initiée au canot-camping très jeune par mes parents, mais je suis consciente que c’est le genre d’activité où il peut être intimidant de se lancer avec des enfants en terrain inconnu. Ce qui est magique au Parc régional du Poisson Blanc, c’est que la mission de l’OBNL vise à démocratiser l’accès au territoire pour tout le monde.

C’est un grand privilège de créer des souvenirs si riches avec mon papa qui frôle ses 70 ans et mon fils d’à peine 16 mois. C’est l’endroit rêvé pour oser parce que les commodités en place nous simplifient la vie, tout en offrant une expérience authentique. Le meilleur des mondes. Un lot d’équipement offert en location permet de combler les besoins manquants ou de supporter presque complètement votre aventure si vous en êtes à vos balbutiements. Quand on jase de camping sauvage, être adéquatement équipé ça peut faire toute la différence dans l’appréciation de l’expérience!

Trucs et astuces pour les familles

Nous bougeons énormément avec nos enfants et au fil des expériences, nous avons développé plusieurs trucs et astuces qui nous permettent de partager du véritable temps de qualité en famille, peu importe la nature de l’aventure. Je vous partage ici quelques points qui nous ont permis d’optimiser ce séjour de canot-camping avec des enfants en bas âge en espérant vous inspirer à faire de même:

1. Couper la route si on vient de loin

Ne surtout pas hésiter à dormir en chemin  afin d’arriver frais et disposés au quartier général, idéalement dans une période de la journée où nos enfants sont au meilleur d’eux-mêmes pour coopérer. Il ne faut pas sous-estimer le temps et l’énergie nécessaires pour décharger l’auto et bien organiser le canot!

2. Choisir un site à proximité et sécuritaire suivant l’âge de nos enfants

Ça évite que les enfants s’impatientent durant le trajet de canot, qu’on s’épuise à pagayer, mais aussi qu’on soit sous tension à les surveiller constamment une fois sur place. On n’a absolument rien à prouver, alors on reste dans le plaisir! On peut explorer le réservoir autant qu’on le désire durant le séjour, donc ce n’est pas la peine de pousser la limite dès l’arrivée.

  • Voici quelques sites parfaits pour les familles : 1, 3A, 6, 12D, 13, 20, 23B et 27B.
  • Carte du Parc

3. Être bien équipé, beau temps, mauvais temps

Au Québec en un week-end on peut vivre quatre saisons, et quand on vit dehors on y goûte pleinement. Pour la vie de famille la tente avec vestibule c’est un gros plus et l’abri moustiquaire supplémentaire pour cuisiner, manger ou jouer à l’abri des moustiques, du soleil ou de la pluie c’est un essentiel.

4. Aussi nécessaire soit-il d’être bien équipé, aussi nécessaire soit-il de minimiser les effectifs qu’on transporte

L’espace dans le canot est limité et tout est transporté à force de bras en gardant un œil d’aigle aguerri sur les enfants en tout temps. On vise quand même d’être un petit peu en vacances et pas juste en gestion de matériel. 

  • Louer une embarcation adaptée pour votre réalité familiale. Dans notre cas, avec 3 adultes et 3 enfants en bas âge, l’ajout du catacanot a été judicieux. 
  • EN SAVOIR PLUS SUR LE CATACANOT

5. Se prépare à l’avance

Ce n’est pas le genre d’escapade où on fait les bagages à la dernière minute. On prend le temps de bien penser le projet, de prévoir l’imprévu.  Pour vous aidez, l’équipe du Poisson Blanc  a préparé un guide du bon campeur avec une liste des essentiels.

6. Préparer des repas à l’avance

Honnêtement, mon plus grand apprentissage de mère en camping! J’adore cuisiner et ce fut jadis l’ultime plaisir de mes aventures que de faire à manger en nature. En revanche, avec les enfants si jeunes c’est trop souvent une source d’irritation. Je prépare des repas à l’avance que je n’ai qu’à réchauffer et assembler sur place. Tout est prêt en 10-15 minutes et j’assure à ma famille une alimentation saine, variée et nourrissante à son plein potentiel. J’ai même appris à fabriquer des guimauves santé au grand plaisir de mes petites bouches!

Si vous avez envie de plonger dans l’univers de la cuisine en plein air, allez lire l’article « Cuisine à ciel ouvert ». 

7. respectez la routine des enfants

C’est un changement d’univers important et le fait de continuer d’honorer les heures de repas et de repos établis à la maison sécurise grandement les enfants. Ils s’adaptent rapidement au nouveau milieu, ils sont réceptifs et curieux. Les enfants sont généralement très sensibles aux transitions. La mise au lit du soir peut être plus difficile l’été dans une tente puisqu’il fait clair jusqu’à tard. Le truc c’est d’être à l’écoute de son enfant pour déceler LE momentum sacré d’une mise au lit sans chichi. L’art d’être strict tout en étant flexible.

8. Entraînez-vous à dormir dans une tente

Si c’est une expérience nouvelle pour votre vie de famille, ça vaut le coup de monter votre tente dans la cour ou même dans le salon pour tester une ou plusieurs nuitées avant de partir. Ne vous laissez pas décourager, l’excitation se dissipera et les enfants s’endormiront…ça nous a pris 3 nuits de test avec notre plus vieille avant que ça devienne viable!

9. Pensez à vous 

On s’oublie trop souvent quand on est parent, mais chaque jour on devrait prendre quelques minutes pour se faire du bien. Assoyez-vous pour enfin finir ce livre commencé il y a trois ans pendant que les enfants chassent une couleuvre ou fixez le vide sans culpabilité!

Remplir le coffre à souvenir familial

C’est le genre d’escapade dont les enfants se souviennent longtemps. Ils en parlent avec des étoiles dans les yeux pour des semaines voire des mois. En tant que parents, force est d’admettre qu’on doit prévoir quelques jours pour s’en remettre au retour parce que les nuits peuvent être courtes dans une tente, l’organisation exige son lot d’énergie et le transport aussi. C’est toutefois une fatigue qui vaut de l’or parce qu’on a tout plein de nouveaux petits moments-trésors accumulés dans le coffre à souvenirs familial. Et ces instants avec grand-papa à lire des histoires autour du feu ou à naviguer en planche à pagaie d’une île à l’autre sont tout simplement inestimables. Les belles années de complicité entre nos parents et nos enfants sont comptées et tellement précieuses.

Osez partir à la conquête d’un des plus beaux territoires naturels du Québec avec vos petits préférés et vos aînés pendant que vous en avez encore l’opportunité. La vie c’est maintenant!

Anouck